La parentalité positive – Equilibre entre attachement et pouvoir personnel

Quel parent n’a jamais entendu « Tu le câlines trop. » « Tu vas en faire un enfant roi. » ou « Il faut que tu lui mettes des limites. » Nous souhaitons voir nos enfants grandir harmonieusement et vivre heureux. Comment sortir du spectre de l’enfant roi et de la dualité autorité-permissivité ? Pourquoi favoriser la relation et comment accompagner notre enfant à grandir dans la joie ?

D’où vient l’image de l’enfant roi ?

Les conseils de soins aux bébés se transmettent de mère en fille jusqu’à la fin de la première guerre, où la puériculture scientifique s’impose et fixe ses normes : il ne faut plus bercer, mais nourrir à heures fixes et surveiller la quantité de nourriture. Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse, considère l’enfant comme un être animé de pulsions à contenir pour en faire un être social. Les parents doivent poser des limites à ses désirs pour lui apprendre à différer la satisfaction de ses pulsions. Dans les années 1960, le psychanalyste américain Benjamin Spock fait confiance aux parents, réhabilite l’affection, et les encourage à considérer chaque enfant comme une personne à part entière. Il sera accusé d’inciter les familles à la permissivité. C’est l’image de l’enfant roi, qui ne serait jamais ni frustré ni contraint. Dans le même temps, la société de consommation se développe et les publicitaires profitent de l’influence du marché sur l’enfant et créent l’image de l’enfant tyran.

Parents potiers contre enfant roi

Nous ne voyons plus l’enfant que comme un bloc de glaise à modeler, plus ou moins réussi en fonction de l’art des parents qui naviguent autre autoritarisme et permissivité. Les comportements de l’enfant qui ne sont pas conformes aux attentes des parents sont considérés comme de l’opposition ou de la manipulation. Les parents sont amenés à contrôler, poser des limites et cadrer. Ils peuvent se sentir jugés quoi qu’ils fassent : ceux qui ne sont pas vus comme autoritaires et « laissent tout faire » sont considérés comme laxistes, voire démissionnaires. Maintenir l’équilibre entre ces extrêmes peut demander beaucoup d’énergie aux parents et cette position basée sur des rapports de force reste précaire. Parents et en­fants pris dans cet engrenage voient les conflits se multiplier et leur relation s’altérer et générer plus de souffrance que de joie.

Quand la relation aide l’enfant à grandir

Pourtant, dès la fin de la seconde guerre, le psychanalyse américain René Spitz s’intéresse à la relation mère-nourrisson et étudie ce qu’il nomme l’hospitalisme : les bébés privés d’interactions et de jeux avec leur mère prennent du retard, perdent du poids et se laissent mourir, alors même que leurs besoins de nourriture et d’hygiène sont satisfaits. En France, des psychanalystes observent que prostrations et violences peuvent être dues à des souffrances de l’enfant, et notamment à l’hospitalisme. La psychothérapie consiste alors à rétablir le contact. Le psychanalyste anglais John Bowlby s’appuie sur l’éthologie et met en évidence le besoin de contact et d’amour : pour survivre, le bébé dispose capacités innées pour éveiller l’affection de sa mère comme téter, s’accrocher, pleurer, sourire et suivre du regard.

L’attachement, un besoin aussi vital que la nourriture et l’hygiène

Le bébé ne peut pas ne pas s’attacher. Il crie et pleure pour signaler qu’il éprouve des sensations désagréables, qu’il a besoin d’aide pour se sentir à nouveau confortable. En répondant le plus rapidement et le plus adéquatement possible aux besoins de l’enfant, le parent (1) l’aide à réguler ses émotions, développe son empathie, et facilite le développement de ses compétences. Un attachement sécure est la condition de l’autonomie : c’est parce que l’enfant se sent en sécurité sur les genoux de son parent et qu’elle (2) se sent libre d’aller et de revenir, qu’il peut oser en descendre et explorer son environnement. Si elle s’éloigne trop, le parent et-ou l’enfant sont en alerte et cherchent à reprendre contact. L’enfant s’éloigne davantage à mesure qu’il grandit et construit sa confiance en ses compétences : une confiance mutuelle s’installe entre le parent et l’enfant.

« Laisse-le pleurer et tu verras il s’endormira très vite seul »

Un de nos besoins fondamentaux, est de nous sentir en sécurité. Dès sa naissance, l’enfant est un être social qui se construit dans la relation qu’elle entretien avec la personne qui s’occupe de elle. Faim, froid, sommeil, peur de l’inconnu ou de personnes étrangères, éloignement subi de sa figure d’attachement, etc. : seule la proximité peut apaiser un bébé. Le laisser pleurer pour s’endormir génère un niveau de stress élevé. Même s’il finit par ne plus pleurer, seul le parent se sent soulagé. Si elle joue seule dans sa chambre, tant mieux ! Mais cela peut poser problème si nous la tenons à distance ou si elle s’enferme dans les jeux vidéos. Quel que soit son âge, le circuit du stress s’active dans le cerveau de l’enfant quand nous ne sommes pas suffisamment présent-e-s pour nourrir la relation ou au moment où il vit une émotion forte.

Ecoute chaleureuse et bienveillante, contact doux et enveloppant sans indifférence ni rejet lui permettent de retrouver des sensations de sécurité comme la détente, le calme et la relaxation. Ce qu’elle vit n’est pas insurmontable. En accueillant ainsi les émotions de nos enfants, nous les aidons à diminuer le stress et l’anxiété, à prendre conscience d’eux-même et à prendre en compte les émotions des autres. En jouant ou en faisant des câlins, nous construisons leur base de sécurité tout en augmentant la bonne humeur générale et en stimulant les défenses immunitaires de toute la famille.

« Laisse-moi faire ! »

Notre second besoin fondamental est de sentir notre pouvoir personnel, c’est à dire notre pouvoir d’agir dans la situation. Nous privons notre enfant d’exercer son pouvoir personnel chaque fois que nous l’empêchons de quitter nos genoux, d’y revenir quand il en a besoin, ou que nous le forçons à l’un ou l’autre. D’une manière générale, lorsque nous nous sentons impuissant-e cela active le circuit du stress dans notre cerveau, et notamment la sécrétion de cortisol, abaissant nos défenses immunitaires et bloquant notre capacité à apprendre. Les trois réactions pré-inscrites dans notre cerveau sont de fuir, nous battre ou nous figer. Ce sont des manifestations de souffrance. Bien souvent, les deux premières options ne sont pas possibles, notre enfant se fige et nous croyons qu’elle s’est calmée, que tout va bien.

Nous lui permettons d’exercer son pouvoir personnel quand nous le laissons libre de ses mouvements, à chaque fois que nous lui permettons d’agir dans une situation par exemple en coupant les pommes à coté de nous avec un vrai couteau, ou que nous lui permettons de prendre les décisions qui la concernent selon son âge, notamment choisir ses vêtements ou participer à l’organisation des prochaines vacances en famille.

Pourquoi est-ce si difficile ?

Quand j’ai reçu de mes parents toute la sécurité affective dont j’avais besoin, et que mon enfant manifeste un besoin, mon cerveau secrète l’ocytocine me permettant de lui répondre adéquatement. Si je n’ai pas reçu cette sécurité de base, mon cerveau secrète des hormones de stress, me conduisant à reproduire le même comportement que mes parents ou à me figer. Quand je sens le stress monter, je peux m’arrêter. Respirer. Je peux bouger, demander un câlin, ou m’isoler pour me calmer. Dès que je suis à nouveau disponible, je peux reprendre du pouvoir personnel et agir en écoutant mon enfant plus sereinement.

Parents jardiniers, soyons attentifs aux besoins de nos enfants

Et cessons de confondre besoins et désirs. Les besoins sont universels. Les désirs sont des stratégies pour les satisfaire et varient en fonction du contexte : il est utile de les prendre en compte sans pour autant s’y at­tacher. Il veut faire un tour de manège ? En quoi est-ce important pour lui ? Elle veut manger une glace ? Qu’est-ce que ça va lui apporter ? Oui, les besoins de nos enfants sont importants et légitimes. Non, tout n’est pas permis. Oui, la frustration fait grandir, à la condition que nous accompagnions nos enfants pour la traverser. La vie leur offre de nombreuses occasions de ressentir de la frustration. Les frustrer volontairement de contact, d’attention et de pouvoir personnel nuit à leur développement et à leur santé.

Edith Fortin Muet

publié dans le magazine NonViolence Actualités n°346 de Mai-Juin 2016 dans le cadre de l’association enVies enJeux

(1) Si l’enfant a une figure d’attachement principale, elle n’est pas la seule. Il peut s’attacher à plusieurs personnes et, en cas de détresse, il-elle se tournera vers la personne la plus proche qui aura le plus adéquatement répondu à ses besoins.

(2) J’utilise alternativement le féminin et le masculin car cet article concerne autant les filles que les garçons

Photo : Yohann LegrandCertains droits réservés

 

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